vendredi 6 août 2010

La fuirsuite

L'epopee MarMat depuis le retour en Inde:

Le Nepal derriere nous, nous passons notre premiere nuit sur le continent indien dans la ville-camion de Bambassa, a 2km de la frontiere nepalaise. La chambre est tellement lamentable que le proprietaire, ayant apparement percu la detresse du lieux, a quand meme pris le peine de garnir la piece d'un bouquet de fleurs en plastique (identique a ceux qu'on trouve dans les cimetieres) et de son pot assorti. Le pot est rempli de megots de cigarettes. Le lendemain matin, un bus nous emmene a Almora.

Nous parcourons les routes et les terrains boueux. Nous filons dans la brise, les villages defilent et les vitres du bus ont des fuites qui laissent passer les gouttes qui coulent sur nos epaules. A Almora, on se repose, et on va a la poste. On sait maintenant tout sur l'envoi des colis, du prix de l'emballage des paquets aux differents services d'expeditions (par avion, bateau, chameaux de course... etc).

Notre chambre d'hotel donne directement sur un temple aux formes interessantes.

Nous restons a fouiner dans le bazar et a boire des mango lassis pendant une petite semaine. C'est une ville de montagne ou la vie s'en va tranquillement.

N'ayant pas d'itineraire bien precis, nous pointons au hasard, "Haridwar" sur la carte du Lovely Planet et filons en bus.

A 6h30, au petit matin, c'est le chauffeur de bus qui nous fait sortir de nos tetes: " Halo! Haridwar!", "Hey! Hey!", "This is Haridwar!". J'ai encore des croutes de la nuit derniere dans les yeux et je frotte mon visage boursoufle et deforme par le sommeil pour me degager des assauts du marchand de sable. Puis je commence a voir. Il pleut. Matthieu, de son cote, parait encore hypnotise par un reve qui racontait les deboires d'un chien errants dans les rues de Montpellier et de ses rencontres malchanceuses avec les gangs des quartiers instables. On atterrit sur la route entre deux rangees de bus, au milieu des bruits de klaxons pathetiques et sans effets. Ce qui tombe du ciel, on sait pas ce que c'est. On sent bien qu'on est mouilles pourtant. Il n'y a la aucun batiment sous lequel on pourrait trouver refuge jusqu'a ce que j'apercoive cette bache bleue sous laquelle deja, des dizaines de gens s'etaient entasses. Je les rejoins rapidement mais Matthieu, pendant la course, se renverse dans l'eau qui recouvre la route. Il a pose le pied dans une flaque d'eau d'un metre de profondeur (invisible) et atterit tete collee contre le macadam. Quand il se releve, heureusement on peut pas deviner qu'il s'est croute, on pense seulement que c'est la pluie qui l'a mis dans cet etat. On attend 10 ou 20 minutes qu'un rickshaw s'occupe de nous et quand il apparait, il ne peut pas nous emmener plus de quelques metres plus loin. On trouve un toit plus propice cette fois, et on attend derechef.

Haridwar est l'une des villes les plus saintes de la religion hindoue. Chaque annee pendant quatre semaines, elle accueille des millions de pelerins qui defilent dans les rues en criant des "Ram Ram" et "Bol bam" incessants. C'est aussi la-bas que le Gange quitte les montagnes pour s'ecouler vers les plaines indiennes. Malgre l'innocence et la virginite que la ville semble degager, d'apres les details du Lovely Planet, la realite s'avere bien decadente. La plupart des pelerins sont des jeunes gens qui se promenent en groupes avec des shorts et des t-shirts oranges vifs.

Ils sont munis de marionnettes decorees avec des rubans qu'ils promenent solennelement dans les rues et tous baladent un telephone portable qu'ils braquent sur nous en sifflant grossierement. Des le premier jour, Matthieu se rend compte que ses poches de pantalon ont ete videes. Son livre, Siddhartha (en allemand) a disparu tandis que je ne cesse de ma faire harceler. On me pince le posterieur a maintes reprises et j'entends des "Ouh, sexy, sexy" sans arret sur mon passage. Bref, un lieu d'odieuses souffrances. On se console en regardant la puja, ceremonie religieuse sur les bords du Gange,

mais la encore les gestes et les remarques de certains sont desolants et gachent les vagues de chaleur purifiantes recues pendant la ceremonie. Depites, on rentre a l'hotel sans regarder personne, malgres les nombreux assauts. On part le lendemain matin.

Rishikesh est notre prochaine destination. Nous pensions avoir fuit la bande de sauvages mais la ville est sur leur trajectoire. Nous essayons au mieux de les ignorer malgre une rage incessante qui me bloque les arteres a chacune de nos promenades dans les rues. J'essaie d'apaiser mes nerfs en regardant le pont suspendu qui flotte entre deux montagnes.

Par hasard nous entrons dans un temple immense de 15 etages. A notre grande surprise, il est vide. On est seuls devant des armees de visages eternellement contemplatifs.

En suivant encore une fois les commentaires du Lonely planet, nous nous rendons a Chandigarh, ville construite par le celebre architecte francais, Le Corbusier. L'ensemble est decevant: les maisons sont des blocs de betons bien alignes. Les quartiers sont divises en carres portant les noms suivants: " Sector 22", "Sector 17", ... etc. Entre chaque quartier poussent des minis forets qui nous obligent a nous deplacer en rickshaw systematiquement tant les distances entre deux blocs sont colossales.

Les seules jubilations fleurissent lors de la visite du Rock Garden. C'est l'artiste Indien Nek Chand Saini, alors inspecteur des travaux de voirie, qui debute secretement la construction du jardin en 1957 -- un simple passe-temps. En 1975, les autorites decouvre une oeuvre de plus de12 hectares et Nek Chand est alors engage a plein temps pour peaufiner et agrandir le travail. Les sculptures sont fabriquees a partir de materiaux recycles recoltes durant les gros travaux urbains de 1957.

Apres la visite du jardin, ne trouvant rien de comparable a embrasser, nous reprenons la route.

A Amritsar on contemple le sanctuaire Sikh du Golden Temple pendant deux jours, on partage des repas prepares par les volontaires du temple avec des centaines d'autres. On jouent au Trou du Cul (alias Capitalisto, Llama, Schmuck...) avec d'autres voyageurs de tous les continents dans les dortoirs gratuits qui font face aux batiments dores. On se laisse envahir par la clarete du revetement et la douceur qu'il reproduit sur nos pieds nus. Le paysage est immacule.


Aujourd'hui j'ecris depuis un cyber-cafe a Dharmshala. On est arrive il y a 4 ou 5 jours et la vue depuis notre balcon est imprenable.


Depuis une semaine, le paysage est toujours le meme, brumeux et humide. Mais fuir s'avere difficile: evidemment il y a bien un bus qui partirait demain matin et nous deposerait a Manali dans la soiree mais pour cause de forte diarrhee, le trajet (qui prend 12 heures) n'est pas encore envisageable. Alors pour se divertir on prend des cours d'Hindi, des cours de cuisine, on va ecouter les prieres du Dalai-Lama (on a pu le voir quelques secondes!) et on donne des cours d'anglais aux Tibetains.


(Matthieu et Shushuma preparent des boulettes pour le Malai-Kofta.)